Par le Dr Alexandre Balzer
Le développement comportemental correspond à l’ensemble des évènements qui jalonnent l’évolution de l’individu, depuis la conception jusqu’à la maturité. Le développement des sens ouvre progressivement le chiot au monde extérieur. Plus celui-ci sera sensibilisé aux stimuli extérieurs, plus il sera apte à affronter notre monde actuel. Le toucher est l’un des sens les plus importants dans son développement. Il est fondamental pour optimiser les chances d’adaptation dans le monde futur de développer les capacités du chiot, en particulier en favorisant les interactions tactiles. Il existe des affections comportementales qualifiées de troubles du développement qui résultent d’une anomalie ou d’un manque pendant certaines périodes cruciales.
Des phases de développement particulièrement importantes
La mise en place du système nerveux est extrêmement précoce et a lieu pendant la vie intra-utérine. Le cerveau produit un excédent de neurones. A la naissance, tous les neurones sont présents et leur nombre est définitivement fixé. Le perfectionnement des circuits neuronaux se déroule essentiellement en période post-natale.
Un processus de réorganisation et d’élimination des neurones considérés comme inutiles intervient dans la construction du cerveau. Près de 90 % des neurones produits avant la naissance vont être victime d’une mort cellulaire programmée. Par exemple, certaines connexions synaptiques sont associées aux réflexes primaires existants en période néonatale. La destruction de ces synapses programmées pour être transitoires, s’accompagne de la disparition de ces réflexes au profit de la motricité volontaire (succion réflexe chez le nouveau-né….). Par ailleurs, c’est l’activité de la cellule qui règle la stabilité de la synapse et lui permet de perdurer. En l’absence d’activité, elle dégénère. Chez le chien, la réorganisation synaptique s’établit entre cinq et sept semaines. Cette « hécatombe neuronale » fait partie du développement normal. Il est donc important de stimuler le plus possible le chiot avant cette période, afin de stabiliser le maximum de neurones, et donc de les garder toute la vie du chien. On parle aussi de périodes critiques, qui se définissent comme des périodes limitées dans le temps pendant lesquelles des informations particulières, comme des stimulations, ont des conséquences fondamentales sur le comportement ultérieur. Le jeune animal connaît au cours de son développement une succession de phases pendant lesquelles il est particulièrement réceptif à certaines expériences. Ces périodes où l’apprentissage et la mémorisation sont facilités correspondent à des moments particuliers du développement cérébral.
Le développement d’une capacité à filtrer les informations extérieures
L’homéostasie sensorielle désigne l’état d’équilibre entre l’individu et l’ensemble des stimuli de son environnement. L’homéostasie sensorielle suppose l’existence d’un filtre perceptif qui ne laisse passer que les informations pertinentes dans le brouhaha de stimuli de l’environnement. Ce filtre se construit pendant le développement.
Les conditions du milieu sont primordiales. Le niveau de stimulation détermine les capacités de discrimination dans un milieu peu stimulant, de très nombreux stimuli seront considérés comme supraliminaires et déclencheront une réaction. La réponse ne sera pas modulée en fonction de l’intensité du stimulus. L’individu va réagir de façon non contrôlée à toutes les variations de son environnement. Il est donc important de développer les expériences variées chez le tout jeune chiot, afin qu’il ne soit pas surpris par des textures, des bruits et des situations trop surprenantes dans sa vie de jeune adulte. Toutes les situations déjà vécues, seront un plus dans sa vie quotidienne.
Les étapes du développement comportemental chez le chien
On peut distinguer quatre périodes d’inégale durée : la période prénatale, la période néonatale, la période de transition et la période de socialisation. Dans les premières phases, le toucher est un sens fondamental pour le développement du chiot. Ce sens peut être favorisé afin d’établir un contact très proche avec les chiots et contribuer à leur développement psychique et moteur.
Les chiots réagissent dès le 45ème jour à une palpation des cornes utérines de la chienne. L’intensité de ces réactions diminue avec le nombre des stimulations (phénomène d’habituation). Ceci joue probablement un rôle dans la mise en place des seuils de sensibilité tactile. Il est donc possible de procéder, avant même la naissance des chiots, à des habituations aux contacts. Le fait de choyer et de câliner la mère, permet de limiter la transmission de stress de favoriser l’imprégnation des organismes de neurotransmetteurs de bien-être et de favoriser les contacts futurs. Dès lors, le sens tactile prend toute son importance dans cette phase de développement. Il faut utiliser les compétences de reptation du chiot et le diriger vers des textures différentes. Ainsi, l’utilisation d’un tapis d’éveil permet cette modification de texture du sol. Faire ramper les chiots sur ce tapis développe ce sens tactile. Il est intéressant aussi de palper, gratouiller, frotter le chiot, au niveau des coussinets mais aussi sur tout son corps. Attention, il est important de les laisser dormir ! Les phases de sommeil contribuent aussi à la maturation du système neveux. Les phases de sommeil, en particulier les phases de sommeil paradoxal, sont à observer et à privilégier. Il faut donc s’occuper des chiots dans leurs moments de réveil, et ne pas chercher à les manipuler dans leur sommeil. Les « accidents » au cours du développement sont responsables d’anomalies comportementales qualifiées de troubles du développement et bien connus chez le chien et le chat. Un mauvais câblage neuronal peut être suspecté. La carence en stimulation des synapses pendant les périodes sensibles conduit à une sélection erronée des circuits neuraux. Chez l’homme, des défauts dans la neurogenèse sont suspectés dans le retard mental, l’autisme et probablement la schizophrénie.Pendant la période prénatale : avant la naissance
Même si les connaissances sur cette période sont limitées, elles permettent cependant d’orienter certaines conduites d’élevage. Le foetus n’est pas isolé de son environnement : il possède in utero des compétences tactiles, gustatives et émotionnelles.
Pendant la période néonatale : de la naissance jusqu’à l’ouverture des yeux
Le chiot est aveugle et sourd. L’essentiel de sa vie est occupé à dormir (environ 90%). La reptation est son mode de locomotion. Le chiot possède malgré tout quelques réflexes : le réflexe de fouissement, le réflexe labial et le réflexe périnéal : la stimulation déclenche l’élimination et participe au développement des compétences tactiles. Si les sens tactile et gustatifs sont déjà développés, cette période néonatale est marquée par le développement des compétences sensorielles et motrices.
Pendant la période de transition : de l’ouverture des yeux à la troisième semaine
Cette période correspond à l’achèvement du développement cortical. Elle se termine avec l’apparition de l’audition matérialisée par le réflexe de sursautement. Le développement des compétences sensorielles du chiot va de pair avec son attachement à sa mère. C’est le véritable début de l’imprégnation. Durant cette période, le développement moteur va pendre toute son importance. Il est important de développer ces capacités psychomotrices dès le plus jeune âge. L’emploi d’agrès aménagés type école du chiot, permet ce développement. Le chiot passe sur des obstacles mouvant, des ponts de singes, des bacs à boules…. Bref, comme sur parc de jeu pour enfant. Son sens tactile va évoluer pour permettre à son corps de passer au travers ces obstacles. Cet apprentissage ne devrait pas être fait uniquement à partir de 4-5 mois dans les clubs d’éducation, mais dès la troisième semaine, chez l’éleveur. Cela va contribuer à développer une maitrise des gestes, une assurance dans les mouvements qui pourront être mis à profit dans tous les sports canins.
Pendant la période de socialisation : de la troisième semaine à la fin du troisième mois
C’est pendant cette période que le chiot va véritablement acquérir des comportements spécifiques. La régulation des séquences comportementales, en particulier l’acquisition des signaux d’arrêt, est sous la dépendance des autocontrôles et nécessite un apprentissage. Cet apprentissage repose sur l’acquisition de la morsure inhibée et du contrôle moteur. Lors des interactions entre les chiots, la mère ou l’adulte régulateur, sanctionne, parfois sévèrement les morsures non contrôlées, les jeux violents, l’hypermotricité. La morsure inhibée doit être acquise avant l’âge de 2 mois.
Les troubles du développement